LA POLITIQUE CULTURELLE SENEGALAISE : 50 ANS ET DES DEFIS.
L’héritage du Premier Président sénégalais Léopold Sédar Senghor est encore sensible aujourd’hui alors ses compatriotes et les hommes et femmes de culture à travers le monde continuent à le célébrer comme le père de la Négritude, celui qui aura incarné les valeurs positives de la culture et de la civilisation de l’homme noir. Mais Senghor aura surtout été et avant tout un sénégalais. Son savoir et son savoir-faire, il les a mis au service de sa patrie. Au cours des deux décennies qu’il a passé à la tête de ce pays, Senghor mena surtout une politique culturelle volontariste digne d’être évoquée au moment nous célébrons les 50 ans de notre souveraineté.
Devenu président de la République du Sénégal en 1960, Senghor s'est immédiatement investi dans le développement d'une politique culturelle qui a fait à la peinture une large place. Il a ainsi organisé trois grandes expositions au Musée dynamique de Dakar : une exposition Marc Chagall en mars 1971, une exposition Picasso en avril 1972 et une exposition Soulages en novembre 1974. Le choix de ces trois peintres pour ces expositions n'est pas dû au hasard mais au fait qu'il connaissait personnellement ces trois artistes et les considérait comme des amis. Il les avait rencontrés durant ses années parisiennes, dans le prolongement de son amitié avec Georges Pompidou, lui-même amateur et collectionneur de peinture. Sa relation avec Picasso est quant à elle une des plus anciennes, remontant aux années de guerre. Senghor se plaisait en la compagnie d'artistes : "Je connais personnellement beaucoup plus d'artistes, de peintres, de sculpteurs, que de poètes en France, déclara-t-il en 1978 à une émission d'Antenne 2.
Il faut dire que la politique culturelle du Président Senghor est essentiellement basée sur la Négritude.
La période comprise entre 1960 et 1980 a été au Sénégal le théâtre de profonds changements dans le domaine culturel et artistique. De cette politique on retiendra deux axes majeurs : l'enracinement dans les valeurs de la civilisation négro-africaine et l'ouverture aux autres civilisations. Pour Senghor en effet, les apports du monde noir à la Civilisation de l'Universel sont fondamentaux pour comprendre le renouvellement de la vision du monde dont les arts occidentaux du XXe siècle se sont fait les vecteurs. C'est fort de cette double conviction qu'il a accordé, dès l'indépendance, la priorité à la formation de l'homme, aux arts et aux lettres et impulsé un véritable mécénat d'État. Patiemment et méthodiquement, il a mis en place tout un ensemble de textes législatifs et réglementaires qui devaient servir de fondements aux structures et institutions de prise en charge et de dynamisation de la vie culturelle nationale. . Puis il a installé progressivement ces structures et institutions chargées tant de préserver que de promouvoir et de diffuser tout un ensemble de formes d'expression artistiques, nationales et étrangères, traditionnelles et modernes. Enfin, il s'est attaché, en pédagogue qu'il est toujours resté, à ériger des structures d'enseignement pour former une élite artistique sénégalaise. Au titre des principales innovations nous pouvons citer :
Ministère de la Culture, créé en 1966, Service des archives culturelles, créé en 1967, Centre d'études des civilisations, Manufactures sénégalaises des arts décoratifs issues de l'Atelier de tapisserie créé en 1964 par l'artiste peintre Papa Ibra Tall et installée à Thiès (ville dont Senghor fut longtemps le maire), Théâtre Daniel Sorano, créé en 1965 et qui dispose encore aujourd'hui d'une salle de spectacle, d'une troupe nationale dramatique, d'un ensemble lyrique spécialisé dans le chant et la musique traditionnelle et de deux corps de ballets, Linguère et Sidra Badral, le Musée ethnographique, créé par l'administration coloniale en 1938 mais régulièrement enrichi et modernisé, le Musée dynamique, créé en 1966 dans le cadre du premier Festival mondial des arts nègres et nombre de centres culturels régionaux installés dans les capitales régionales. . Peu à peu le Sénégal devenait cette Grèce de l'Afrique dont rêvait Senghor. La loi du 1 % (1968) qui fait à tout constructeur obligation de consacrer 1 % du coût total de toute construction publique à financer la décoration des bâtiments publics compléta ce dispositif ainsi que le Fonds d'aide aux artistes et au développement de la culture (1978) chargé d'accorder des aides et des subventions aux artistes dans le cadre d'actions diverses.
Le premier Festival mondial des arts nègres réunit, durant le mois d'avril 1966, les peuples de couleur dans la capitale sénégalaise, pour une grande fête de la culture.
quelque Dieu, à quelque langue qu'elles appartiennent, les Nations sont conviées au dialogue de Dakar, appelées à combler les fossés, dissiper les malentendus, accorder les différences. Participant, depuis toujours, mais toujours à distance et par personnes interposées, à l'édification de la Civilisation de l'Universel, l'Afrique unie, réunie, offre, à l'attente du monde, aux lieu et place d'une gigantesque panoplie, le sens de ses créations artistiques. Elles disent notre vision, notre obsession de l'homme, parce que du Dieu invisible… », ainsi s’exprimait Senghor à l’ouverture de ce 1er festival.
Les efforts de Senghor se sont concrétisés par les productions des œuvres de ce qu'on a appelé l'École de Dakar. Dès 1960, il fit venir à Dakar Pierre Lods, fondateur et animateur de l'école de peinture de Poto-poto de Brazzaville pour le faire participer à la mise en place d'une nouvelle pédagogie artistique sénégalaise. Ce Français de Lorient, en Bretagne, s'était engagé très tôt dans la lutte pour la décolonisation. Sa pédagogie se fondait sur la croyance en la spontanéité créatrice du Noir. Sa pédagogie spontanéiste, ennemie des principes académiques contraignants, aura le soutien constant de Senghor et ce n'est pas le moindre mérite de celui-ci que d'avoir su garder sa confiance à un homme si différent, dans son comportement et dans son mode de vivre, de lui-même, adepte de la méthode et de l'organisation. Senghor saura apaiser les conflits entre Lods et le rigoureux responsable de la section Recherches plastiques nègres de l'École des arts, Papa Ibra Tall qui jugeait anarchique la démarche de son adjoint. Lods finit par transformer entièrement en atelier sa grande maison de la rue 15 à la Médina, ancienne demeure d'un grand Serigne de Dakar. Tall comme Lods et les autres formateurs responsables de section, partageaient les vues du poète-président relatives à l'émotivité, à la sensibilité et à l'instinctivité du Noir africain.
En 1974, une grande exposition consacrée à L'art sénégalais d'aujourd'hui au Grand Palais à Paris montra que l'art sénégalais n'était pas à la remorque des grands mouvements artistiques occidentaux et qu'un certain nombre d'artistes de carrure internationale commençaient de se détacher : Ibou Diouf, Amadou Ba, Amadou Seck, Papa Ibra Tall, Modou Niang, Bocar Pathé Diongue, Gora M'Bengue, Ousmane Faye, et bien d'autres. La peinture fixée sous verre (souwère en wolof) a connu une grande vogue à cette époque, ainsi que le batik, technique traditionnelle de teinture et de peinture de tissus, renouvelée par des artistes comme Amadou Dieng ou Aïssa Dione. La sculpture moderne sénégalaise s'est elle aussi affirmée, recourant à des matériaux divers, bois, pierre et métal. L'un des pionniers fut André Seck, ramené de Belgique au Sénégal par Senghor et qui ouvrit la section sculpture à l'École des Arts.
La politique culturelle de Senghor a donc donné à partir du Sénégal une notoriété et une dynamique indéniables à la Négritude, dans le temps même où commençaient de pleuvoir les critiques des intellectuels marxistes reprochant au poète-président d'avoir enfermé l'Afrique dans l'univers de l'irrationnel et d'occulter, en accordant un primat à la culture, les réalités sociales et économiques et la sacro-sainte lutte des classes.
Certes la politique d'ensemble de Senghor n'a pas réussi à faire décoller, comme on dit, le Sénégal. La grave crise qui secoue le pays en 1968 (grève des étudiants, suivie par un mouvement de solidarité des élèves et des travailleurs) révèle le profond mécontentement tant de jeunes Sénégal que de paysans affectés par la baisse de leurs revenus suite à la sécheresse et à la baisse des cours mondiaux de leu. La politique culturelle impulsée par le Président avec tant de foi en souffrira, les budgets des diverses institutions seront réduits. Elle connaîtra un sort plus difficile avec l’avènement de Diouf.
Cependant Dakar demeure un des principaux point d’attraction culturelle de l’Afrique noire.
Le pouvoir actuel de l’alternance y a posé aussi ses marques avec une politique axée sur
« Le Gouvernement du Sénégal a réaffirmé sa volonté de placer la culture au cœur de la problématique de développement économique et social de la Nation. Riche de sa diversité, de son originalité et de son dynamisme, la culture sénégalaise structure et inspire notre élan confiant et résolu pour relever tous les défis dans un monde convulsé par les logiques périlleuses d’uniformisation de la pensée. » peut-on lire sur le site du Ministère de la Culture et de la Francophonie. La réalisation d’une telle ambition passe par la sauvegarde et la valorisation de notre patrimoine culturel et par l’accompagnement conséquent des acteurs culturels pour des productions artistiques de qualité, aptes à rentabiliser l’immense potentiel économique de la culture au service des créateurs et de la communauté nationale.
Beaucoup de projets culturels figurent au rang des priorités du Chef de l’Etat, Son Excellence M Abdoulaye Wade. Au nombre de ceux-ci, le Musée des civilisations noires, la Place du souvenir africain, le Monument de la renaissance africaine (qui sera inauguré à l’occasion du cinquantenaire de l’Etat sénégalais), l’Ecole Nationale des Arts, le 2ème grand Théâtre, et la Conférence des intellectuels africains et de la Diaspora.
Parlant du Monument de la Paix le Président Wade s’exprimait ainsi : « Si j’étais un sculpteur, je mettrais en place trois personnages, les bras ouverts dans un élan d’étreinte. Deux, sur une marche supérieure, l’Europe et les Etats-Unis sont plus rapprochés. Le troisième, l’Afrique, un peu éloigné, aux formes saisissantes de pureté et de force, tend aussi les mains... » Le chef de l’Etat exprime ainsi sa volonté d’insuffler une nouvelle dynamique à un secteur souvent sacrifié en période de crise économique. Me Wade est convaincu que l’Afrique a beaucoup à offrir au monde d’où sa volonté d’ouverture au Monde notamment à travers les nombreuses manifestations culturelles et artistiques sur toute l’étendue du territoire national. Representations folkloriques, littéraires, audiovisuelles, stylistiques et autres se repartissent le cours de l’année culturelle. Elément important à mettre à l’actif du pouvoir actuel, la traduction en acte concret de la place qu’occupe la culture au cœur de la politique gouvernementale. Le projet de budget 2010 du ministère de la Culture et de la Francophonie a été voté lundi par les députés. Il enregistre une hausse de 6 milliards 662 millions 266 mille 920 francs Cfa, soit une hausse proportionnelle de 38 % par rapport à l'exercice précédent. En effet, l'argent alloué à ce Département passe de 17 milliards 559 millions 703 mille 760 francs en 2009 à 24 milliards 221 millions 970 mille 680 francs pour l'année à venir.
Cependant le budget réel du ministère tourne autour de 6 milliards de francs Cfa. Les crédits alloués au troisième Festival mondial des arts nègres ont gonflé l'enveloppe destinée au ministère de la Culture. Le Fesman III, prévu au Sénégal en décembre 2010, se voit allouer la somme de 18 milliards environ.
Alhousseyni TOURE
dimanche 28 mars 2010
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trop long...
RépondreSupprimerMais mon doyen c koi ça!!!!!! il faut adapter tes textes aux principes du net. c difficile a lire
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